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Consultations sur RDV

TOUX CHRONIQUE CHEZ UN CHIEN.

Rédacteur Dr CAILLOUX Guillaume, Vétérinaire, diplômé du CEAV de Médecine Interne

 

DESCRIPTION ET HISTORIQUE

    Un chien Yorkshire terrier mâle de 10 ans est présenté, afin d’explorer sa toux débutée 3 mois avant. Initialement un traitement a été prescrit sans succès (antibiotique, anti-inflammatoire), puis un second trois semaines plus tard avec les mêmes résultats. Depuis l’âge de 2-3 ans il tousse régulièrement, et depuis 3 mois sa toux qui est sèche et faible est devenue forte, quinteuse avec un bruit distinct qualifié de klaxon par la propriétaire.
 

HYPOTHESES DIAGNOSTIQUES

   Les Yorkshire sont prédisposés aux collapsus des voies respiratoires liés à une trachéo-bronchomalacie ainsi qu’à la maladie valvulaire dégénérative qui peut engendrer une dilatation de l’atrium gauche, responsable d’une toux par compression de l’atrium gauche. En général un souffle SSAG de grade au moins IV/VI est associé. Le « cri de l’oie » est lié à la vibration de la membrane trachéale, facilitée lors de trachéomalacie. Toute atteinte tussigène peut ensuite le déclencher. Une parasitose doit être exclue tout comme les tumeurs primitives et métastatiques qui sont rarement à l’origine de toux. Une trachéobronchite infectieuse à Bordetella bronchiseptica est possible malgré l’absence de séjour en collectivité rapporté. Résidant dans le sud de la France, un corps étranger végétal est à envisager en période estivale.
 
 

EXAMENS COMPLEMENTAIRES

Hémogramme

Aucune anomalie n’est notée.

Coproscopie parasitaire

Absence d’éléments parasitaires (œufs, larves et adultes).

Radiographie thoracique

Une légère cardiomégalie est mise en évidence sur l’incidence de profil, l’atrium gauche n’est pas dilaté. Une densification de type broncho-interstitielle modérée est présente, mais ne diffère pas de celle observée chez des chiens d’âge similaire.
 

Examen bronchoscopique

Une trachéo-bronchomalacie est présente entraînant un collapsus trachéal cervical de stade I/IV ainsi qu’un collapsus des bronches souches uniquement lors des efforts de toux. La paroi bronchique est oedématiée, des sécrétions épaisses sont présentes en quantité modérée au niveau de toutes les bronches. Aucun corps étranger n’est visualisé.
 

Analyse cytologique du liquide de lavage broncho-alvéolaire

L’examen au microscope confirme la localisation bronchoalvéolaire du prélèvement et met en évidence une inflammation suppurée ainsi qu’une population bactérienne monomorphe de type coques ou petits bacilles avec des images de phagocytose.

Analyse bactériologique du liquide de lavage broncho-alvéolaire

De nombreuses colonies bactériennes identifiées comme des Bordetella bronchiseptica sont mises en évidence. Celles-ci sont résistantes à de nombreux antibiotiques usuels, mais sont sensibles aux sulfamides ainsi qu’à la gentamycine.

Analyse de biologie moléculaire du liquide de lavage broncho-alvéolaire

Une forte charge d’ADN de Bordetella bronchiseptica est détectée dans le prélèvement.
 
 

 DIAGNOSTIC

    On peut donc confirmer la présence d’une trachéobronchite infectieuse à Bordetella bronchiseptica, chez un chien présentant un collapsus trachéal cervical mineur.
 
 

PRONOSTIC

    Le pronostic est bon après traitement antibiotique par voie générale ou en fumigations.
 
 

TRAITEMENT ET SUIVI

    Une antibiothérapie est instaurée empiriquement après examen cytologique du LBA (doxycycline 11,4mg/kg/j) puis est modifiée (sulfaméthoxazole 14mg/kg BID et triméthoprime 2,9mg/kg BID durant 1 mois1/2), en réalisant un test de Shirmer J0, J16. De la prednisolone (0,7mg/kg/j 1 mois, puis en alternance) est utilisée pour contrôler l’inflammation des voies respiratoires. Enfin un traitement antitussif est instauré les 10 premiers jours (éthylmorphine 0,68mg/kg TID). Après 1 mois de traitement le chien ne tousse plus et il n’a pas présenté d’épisode significatif durant 2 ans.
 
 

DISCUSSION


    La toux d’évolution chronique est fréquente chez les chiens âgés de petit gabarit [2]. Les principales causes rapportées sont la bronchite chronique, la trachéo-bronchomalacie, les pneumonies et les tumeurs [2]. Lors de maladie valvulaire dégénérative (MVD), l’atrium gauche (AG) dilaté peut également comprimer les bronches souches et entraîner de la toux. Une étude a montré que chez le Cavalier King Charles atteint de MVD, l’intensité du souffle était corrélée au rapport échographique AG/Ao et qu’un souffle de grade IV/VI était systématiquement associé à un AG dilaté [3].
Les strongles respiratoires sont rarissimes en Provence, néanmoins il convient de les rechercher en réalisant une coproscopie par méthode de Baermann. Le diagnostic d’une bronchite chronique requiert une démarche d’exclusion. Chez les jeunes chiens ou chez les chiens ayant séjourné en chenil une hypothèse de trachéo-bronchite infectieuse est privilégiée [4]. Les trachéo-bronchomalacies peuvent être mises en évidence par un examen de radioscopie ou de fibroscopie respiratoire. La sévérité du/des collapsus n’est alors pas corrélée aux signes cliniques exprimés mais à leur durée d’évolution [5]. Notre chien présentait un collapsus minime, et sa toux a totalement disparu suite au traitement. Le collapsus a donc plus joué un rôle de facteur aggravant la toux plutôt que déclenchant.
Bordetella bronchiseptica est le principal agent bactérien responsable de l’apparition d’une toux chez le chien [4]. Différents mécanismes concourent à la persistance de cette bactérie dans les voies respiratoires comme la capacité d’envahir les cellules hôtes afin d’échapper au système immunitaire [4], la sécrétion de toxines entraînant une ciliostase [6] et la séquestration dans le mucus empêchant l’accès aux antibiotiques.
    Une étude un peu ancienne [7] a relaté une bonne susceptibilité de Bordetella bronchiseptica vis-à-vis de la plupart des antibiotiques usuels. Les tétracyclines, comme la doxycycline, sont à privilégier pour leur diffusion intracellulaire. Ces résultats ont été confirmés par une étude plus récente [8], qui a également mis en évidence un risque de résistance accru aux fluoroquinolones. Le caractère multirésistant de la souche identifiée dans notre cas est assez exceptionnel, et a probablement contribué à la chronicité de l’affection. La nébullisation d’aminoglycosides a prouvé son efficacité à réduire la charge de Bordetella sp. dans les voies respiratoires [8]. En l’absence d’efficacité thérapeutique, c’est une option qui doit être envisagée.
    Lors d’infection des voies respiratoires profondes Bordetella bronchiseptica est fréquemment isolée ainsi que Mycoplasma spp dont le rôle pathogène n’est pas élucidé à ce jour [9]. Les co-infections sont fréquentes chez les jeunes chiens de petit gabarit [9]. Aucune recherche spécifique de mycoplasme n’a été effectuée dans notre cas.
    Les voies respiratoires n’étant pas stériles, l’interprétation d’une analyse bactériologique doit se faire avec précautions. Un seuil quantitatif a été proposé (1,7x103UFC/mL de LBA) [10] mais les laboratoires ne quantifient pas tous les prélèvements. Aucun seuil n’est proposé à l’heure actuelle pour les PCR. L’examen cytologique est néanmoins très spécifique d’une infection respiratoire profonde lors d’inflammation suppurée accompagnée d’images de phagocytose bactérienne, mais sa sensibilité est insuffisante [8, 10]. La forte charge bactérienne concordant avec l’examen cytologique a permis d’établir le diagnostic de trachéobronchite infectieuse chez Mikado.
 

 

BIBLIOGRAPHIE


1-    Rozanski AE, Rush JE. Acute and chronic cough. In : King LG editor. Respiratory disease in dogs and cats. St Louis : Saunders ; 2004. p. 42-45
2-    Hawkins EC, Clay LD, Bradley JM, et Al.. Demographic and historical findings, including exposure to environmental tobacco smoke, in dogs with chronic cough. J Vet Intern Med, 2010 ;24: 825–831
3-    Chetboul V, Tissier R, Villaret F, et al. Caractéristiques épidémiologiques, cliniques, échographiques et Doppler de l’endocardiose mitrale chez le Cavalier King Charles en France: étude rétrospective de 451 cas (1995 - 2003). Can. Vet. J., 2004;45:1012-1015
4-    Ford RB. Canine infectious tracheobronchitis. In : Greene CE editor. Infectious disease of the dog and the cat. 3rd ed. St Louis: Saunders; 2004. p. 54-61
5-    Bottero E, Bellino C, De Lorenzi D, Ruggiero P, Tarducci A, D’Angelo A et Al. Clinical Evaluation and Endoscopic Classification of Bronchomalacia in Dogs. J Vet Intern Med, 2013, in press
6-    Anderton TL, Maskell DJ, Preston A. Ciliostasis is a key early event during colonization of canine tracheal tissue by Bordetella bronchiseptica. Microbiology, 2004;150:2843–2855
7-    Speakman AJ, Dawson S, Corkill JE, et Al. Antibiotic susceptibility of canine Bordetella bronchiseptica isolates. Vet Microbiol,  2000; 71: 193–200
8-    Johnson LR, Queen EV, Vernau W et Al. Microbiologic and Cytologic Assessment of Bronchoalveolar Lavage Fluid from Dogs with Lower Respiratory Tract Infection: 105 Cases (2001–2011). J Vet Intern Med, 2013; 27: 259–267
9-    Bemis DA, Appel MJG. Aerosol, parenteral and oral antibiotic treatment of Bordetella bronchiseptica in dogs. J Am Vet Med Assoc, 1977; 170:1082–1086
10-    Peeters DE, McKiernan BC, Weisiger RM et Al. Quantitative bacterial cultures and cytological examination of bronchoalveolar lavage specimens in dogs. J Vet Intern Med, 2000, 14(5) ; 534-41